"Il fait beau. Le temps est clément malgré le soleil en ce 11 juin. Le stade de Casablanca est archi-plein et les 70.000 spectateurs donnent de la voix et aussi annoncent la couleur pour cette première Coupe du monde de football en terre africaine ".
"Hé réveilles-toi! La Coupe du monde se déroule à des milliers de kilomètres de ton rêve, bien au Sud, au pays de Nelson Mandela. Mais tu peux toujours en rêver, tu en auras le temps durant les 16 prochaines années en attendant que vienne le tour de l'Afrique de l'organiser". Le Maroc n'a pas su, d'une manière ou d'une autre, saisir sa chance. En fait, il avait mal su choisir ses "amis" parmi les membres votants de la FIFA.
Finalement, le réalisme Sud-Africain et Joseph Blatter avaient fini par vaincre la ténacité et l'excès de confiance marocains. De l'avis de nombreux analystes, l'Afrique du Sud n'aurait pu gagner sans l'appui inconditionnel du président de la FIFA. Et aussi de celui de Lennar Johansson. Ce dernier ne voulait en aucun cas confier l'organisation de l'édition 2010 à un pays dont des ressortissants ont été impliqués dans les attentats terroristes de Madrid en mars 2004, malgré toutes les garanties de l'Etat marocain. L'on n'avait pas non plus su comment "gérer" le versatile représentant de l'Amérique du Sud. Pourtant, de riches personnalités marocaines avaient tenu une réunion dont le but était de collecter des fonds. Mais, ils n'avaient pu se mettre d'accord sur un montant.
En ce 15 mai 2004, tout un pays était tenu en haleine. Les commentaires allaient bon train, les pronostics aussi. Une chose est sûre: les Marocains y ont cru jusqu'au bout. Du moins, jusqu'à 6 h du matin du 15 mai, jour du vote du Comité exécutif de la FIFA. Pourquoi 6 h du matin? C'est simple: c'est à cette heure-ci que Joseph Blatter a convoqué dans sa résidence le représentant de l'Amérique du Sud, qui, en principe, aurait dû se trouver à l'hôtel "Au bord du lac", résidence des 24 membres du Comité exécutif dans la banlieue de Zurich. Il fut alors reçu par Nelson Mandela qui, en aucun cas n'aurait dû se trouver là.
La nuit du 14 au 15 mai a été longue. Pour tout le monde. Les ultimes contacts, via Issa Hayatou et Slim Aloulou, n'avaient pas abouti. Même le puissant Ben Hammam n'avait rien pu faire. Quant au Français Michel Platini, il s'est contenté à son arrivée au World Trade Center où se déroulait la cérémonie de vote pour désigner le pays organisateur de la Coupe du monde 2010, d'un "no comment" qui était, pour l'ensemble des journalistes marocains présents, lourd en enseignements. Les jeux étaient déjà faits. Il fallait, cependant, trouver une raison au cérémonial- mascarade du vote et de l'annonce du pays organisateur. Une mise en scène, savamment orchestrée, élimina la Libye avant même le vote. Sous le prétexte que ce pays répétait qu'il tenait toujours à la candidature commune. Intelligent Blatter: en décidant qu'il n'y ait pas de vote pour la Libye, on évite le report de voix, notamment sur le Maroc, à l'occasion d'un 2e tour, somme toute hypothétique. Il aurait été possible de signifier à la Libye que sa candidature ne tenait pas et lui éviter même de faire sa présentation la veille du vote. Comme ce fut le cas pour la Tunisie. Idem pour l'Egypte qui n'a obtenu aucune voix.
Le Maroc, déjà candidat malheureux en 1988, 1992 et 2000, a cru en ses chances. Jusqu'au bout. D'autant plus que c'est grâce à ses candidatures répétées que l'idée d'attribuer l'organisation de la Coupe du monde à un pays africain a fait son chemin. Ne fut-il pas le premier en 1987, à prendre à bras-le-corps ce projet si cher aux Africains? Ne devrait-il pas être le premier à en bénéficier?
Le poids de Blatter avait été donc important, mais aussi celui des 24 autres membres du comité exécutif de la FIFA. Ces vendredi et samedi, 14 et 15 mai, resteront gravés dans la mémoire collective, non seulement des Marocains mais aussi de l'opinion publique internationale. Car, tout donnait le Maroc gagnant. Et personne ne comprenait plus l'issue du vote : 14 voix pour l'Afrique du Sud, 10 pour le Maroc. Ce dernier a été trahi par ceux-là même qu'ils croyaient acquis à sa cause. Et qui avaient été largement rétribués. Avant le vote, bien sûr. Il faut dire que Blatter a savamment calculé son coup: le vote en faveur de l'Afrique du Sud s'est finalement effectué sur la base de considérations politiques et non sur les données du dossier technique. Autrement, comment expliquer que l'organisation de l'édition 2010 soit confiée à l'Afrique du Sud alors que les quatre membres du Comité exécutif représentant tout le continent africain ont tous voté pour le Maroc. Même le Botswanais Ismail Bhamjee. Là aussi, Blatter a réussi à naviguer à contre-courant, traînant dans son sillage quelques membres qui lui sont inféodés.
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