Deux ans de prison dont 18 mois avec sursis pour le gérant d'un bar à hôtesses qui a détourné et blanchi 1,5 million d'euros en sept ans.
Secret des sources. L'origine du renseignement anonyme recueilli en 2006 par la police judiciaire ne figure pas dans le dossier d'enquête. Mais celui ou celle qui a mis la justice sur la piste de Patrick Félici, aujourd'hui âgé de 57 ans, était manifestement bien informé. Roi du black, le gérant du bar à hôtesses Le Vénus dissimulait depuis longtemps une bonne partie des recettes procurées par son établissement du quai des Chartrons, l'un des plus fréquentés des quais.
Banquiers peu curieux
Entre 2001 et 2008, le commerçant, poursuivi pour abus de biens sociaux, blanchiment aggravé et travail dissimulé, a ainsi occulté 1,5 million d'euros. Le système reposait sur un stratagème presque enfantin. Au sein du bar, il existait deux terminaux de paiement électronique destinés aux règlements par carte de crédit. L'officiel permettait de présenter une comptabilité irréprochable, le clandestin de masquer des sorties de fonds. Au fil des années, une amie, un proche et l'ancien beau-frère de Patrick Félici ont successivement accepté que ce terminal soit mis à leur nom en échange d'une solide gratification.
Associé avec Marouane Chamakh
Lors de l'enquête, l'audition par la police judiciaire de Marouane Chamakh était passée inaperçue. Hier, le nom du joueur des Girondins de Bordeaux a été évoqué à plusieurs reprises lors de l'audience. Interrogé par la présidente Caroline Baret sur ses liens avec l'attaquant vedette, Patrick Félici a répondu. " J'étais associé avec lui pour créer un restaurant au Maroc. "
" L'imprudence " de Chamakh
Les deux hommes disent avoir sympathisé au Touareg, une table marocaine située cours du Médoc à Bordeaux. L'établissement, aujourd'hui fermé, était tenu par l'ancienne épouse de Patrick Félici, condamnée elle aussi, hier, à quatre mois de prison avec sursis pour des abus de biens sociaux commis au détriment de sa propre affaire.
Avec deux autres partenaires, Patrick Félici et Marouane Chamakh avaient réuni les fonds nécessaires au lancement de leur restaurant à Agadir. Ils l'avaient baptisé " L'hô de la ". Patrick Félici est soupçonné d'avoir utilisé les revenus clandestins du Vénus pour financer sa participation. Il s'en défend, soutenant que son apport, 60T000 euros, provenait d'économies personnelles.
Toujours est-il que pour faire sortir l'argent discrètement et éviter toute déclaration douanière, il a utilisé le compte bancaire de Marouane Chamakh. Le footballeur qui possède la double nationalité lui a restitué les fonds au Maroc. " Marouane Chamakh a joué le porteur de valises mais il a agi par imprudence ", a expliqué hier le procureur Alain Bénech pour expliquer qu'il n'avait pas été poursuivi. Aujourd'hui, Patrick Félici et Marouane Chamakh ne sont plus associés. Leur belle entente a volé en éclats au moment où l'étau judiciaire se resserrait sur le premier. Homme d'affaires avisé, Marouane Chamakh a semble-il racheté 10T000 euros les parts que Patrick Félici avait payées 60T000.
En créant des sociétés fictives, ces hommes de paille avaient pu ainsi ouvrir des comptes professionnels, notamment à la Banque Populaire et au Crédit Agricole. Les sommes déboursées par les clients du Vénus y étaient virées avant d'être retirées en espèces sans que cela n'offusque plus que cela, la plupart des banquiers concernés. Point n'est besoin de beaucoup de clients pour faire tourner les bars à hôtesses. Il suffit qu'ils soient fortunés. Il n'empêche que les sommes brassées par le Vénus laissent songeurs.
Bouteilles de champagne
" Vos employées étaient particulièrement efficaces ", constate la présidente Caroline Baret. Entre cinq et neuf femmes se relayaient quotidiennement dans l'établissement. Elles touchaient un fixe de 15 euros par soirée. Pour le reste, leur rémunération variait en fonction du nombre de bouteilles de champagnes bues et de prestation diverses qui n'avaient qu'un seul but : pousser le visiteur à la consommation. " J'arrivais à me faire des semaines à 2T000 euros ", avouera l'une des hôtesses aux policiers.
Il y a quelques mois, Patrick Félici et son épouse d'alors ont été mis en examen pour proxénétisme aggravé et le bar fermé sine die. Ils contestent en partie les faits. Le procureur Alain Bénech se refuse à évoquer cette deuxième affaire actuellement en cours d'instruction. Seuls les délits financiers commis par le prévenu lui importent. Patrick Félici n'a pas cherché à les éluder. Le commerçant ne pouvait qu'attirer l'attention : aucun versement en espèces n'apparaissait dans sa comptabilité alors que nombre de clients de bars de nuit payent en liquide pour ne pas laisser de traces. " C'était d'une imbécillité crasse. Vous auriez voulu vous faire prendre que vous ne vous y seriez pas pris autrement ", lâche le procureur en remarquant qu'il avait ratissé large. Le Fisc, les organes sociaux et l'Urssaf ont été floués dans de grandes largeurs, la société qui gérait Le Vénus dépouillée.
" Aucun créancier, aucun associé, aucune hôtesse n'ont été lesés ", tempère Me Jean-Baptiste Bordas du cabinet Lalanne. Les sommes détournées par Patrick Félici ont financé son train de vie, son goût pour le jeu, ses investissements. Mais elles ont aussi servi à payer les hôtesses et certains fournisseurs en liquide. " C'est avant tout un choix délinquant pour échapper au fisc ", convient Me Bordas en s'étonnant de voir quelques acteurs de ce feuilleton épargnés par les foudres du parquet.
Manquent selon lui à l'appel deux hommes de paille, un banquier et aussi Marouane Chamakh. " La vérité est borgne ", lâche l'avocat. Cela n'empêchera pas son client d'être condamné en fin de journée à deux ans de prison dont 18 mois avec sursis. Peine assortie d'une interdiction de gérer pour une durée de cinq ans. La belle époque du Vénus est bel et bien terminée.
source : Sud Ouest
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