Héros national il y a encore deux ans, Jaouad Zaïri s'est, depuis, fait quasiment oublier par ses fans marocains. Il espère toujours revenir sur les devants de la scène. Entretien.
Vous avez demandé d'être placé sur la liste des transferts, alors que vous êtes en contrat avec le club de Boavista pour encore deux ans et demi. Pourquoi ?
Disons que je ne me plais pas beaucoup dans le championnat portugais. C'est une question d'ambiance et de niveau de jeu. Ce n'est pas un championnat très animé ni très suivi, même par son propre public. Ce n'est pas non plus un championnat qui me permettra d'évoluer ou de me faire remarquer au niveau européen. C'est pour cela que je préfère partir ailleurs et, pourquoi pas, revenir en France. Ce serait une sorte de retour aux sources.
Il paraît aussi que l'entraîneur de Boavista ne vous fait pas souvent jouer…
C'est vrai. Surtout depuis que j'ai annoncé mon envie de quitter le club. C'est une attitude assez logique, que je ne peux pas lui reprocher : quand on voit la réaction de Capello après que Beckham ait annoncé son départ aux Etats-Unis… Je comprends qu'il préfère mettre sur le terrain des joueurs plus motivés, qui ont encore le club en tête. Ce n'est pas mon cas. En vérité, je suis un peu déçu. En arrivant à Boavista, je ne m'attendais pas à ce que j'ai trouvé. Bien sûr, c'est un grand club, qui a ces dernières années joué la Ligue des Champions et Coupe de l'UEFA. C'est aussi un club qui a un passé prestigieux et un joli palmarès. C'est d'ailleurs ce qui m'a poussé à accepter cette offre. Mais je ne me suis jamais totalement intégré. Et après mûre réflexion, j'ai décidé de plier bagage.
En parlant d'avenir, quelle serait votre destination prochaine. On a parlé de nombreux clubs en France, dont Sedan et surtout le Mans.
Effectivement, les dirigeant du Mans paraissent très intéressés de m'avoir dans leur effectif. Ils se sont renseignés auprès de Boavista, pour connaître ma situation et ont proposé un transfert sous forme de prêt avec une option d'achat. Pour le moment, on en est là. J'attends de voir l'évolution des choses. Je saurais d'ici à la fermeture du Mercato d'hiver, à la fin du mois de janvier. Mais il est clair que je préfère revenir en France. Et si cela ne se fait pas cette fois-ci, on verra d'ici le mois de juin.
L'éventuel retour en France est motivé aussi par des raisons personnelles…
La France, c'est quand même chez moi. C'est le pays où j'ai grandi et où j'ai vécu plus de vingt ans. Ma famille, les proches et mes amis sont toujours là-bas. Mais même sur le plan sportif, je me sentirai mieux en France. C'est dans le championnat français que j'ai fait mes classes et où j'ai passé cinq années au plus haut niveau. Et si je reviens dans un club français, l'adaptation sera beaucoup plus facile pour moi que dans n'importe quel autre championnat. Vous savez, ce n'est pas si facile que cela de s'expatrier.
Revenons sur ces deux dernières années, depuis cette fameuse CAN 2004. Le public découvrait un joueur talentueux promis à un avenir tout tracé. Que s'est-il passé ?
C'est vrai qu'après cette coupe d'Afrique, il s'est passé beaucoup de choses. Beaucoup de personnes ont commencé à parler de moi comme une future star du football. Et j'avoue que cela m'a un peu perturbé. L'attitude du FC Sochaux y a également été pour quelque chose. Je pense que les dirigeants du club ont abusé de leur position. Vu que j'avais encore des années de contrat avec eux, ils ont préféré faire monter les enchères. L'année dernière, je devais finir au sein de l'Olympique Lyonnais. J'avais rencontré Gérard Houiller et discuté avec Bernard Lacombe (ndlr : respectivement entraîneur et directeur sportif de l'OL). C'était du concret. Tout se passait bien et il était prévu que je rejoigne le club cette saison. Mais quand les dirigeants du FC Sochaux ont reçu la proposition de l'Ittihad de Jeddah, ils ont écarté celle de l'OL. Ils ont préféré encaisser plus d'argent, sans se soucier de l'évolution de ma carrière. C'est assez compréhensible, mais ils auraient pu me donner ma chance. Mais hamdoullah, je n'ai pas à me plaindre. Je me dis qu'après les moments difficiles, il y en aura forcément des plus heureux. Et pour ce qui est du retour en sélection, je reste confiant. Je sais qu'un jour ou l'autre, je finirai par retrouver ma place au sein de l'équipe nationale.
Vote célébrité soudaine vous a-t-elle fait prendre la grosse tête ?
Du tout. Je n'ai pas pris la grosse tête. Ce qui m'a perturbé, c'est qu'on me voie comme une sorte de héros alors qu'en fait, j'avais encore tout à prouver. Il y a deux ans de cela, je recevais des appels et des propositions de partout. Cela m'a un peu tourné la tête, pas plus. J'ai été sollicité par des agents, qui m'ont promis monts et merveilles, mais jamais rien de concret. Ils me voyaient d'abord comme une source potentielle d'argent, comme une opportunité à saisir. J'étais, c'est vrai, un peu naïf. Mais cela m'a au moins servi à mûrir et à apprendre à reconnaître mes vrais amis. À faire le ménage dans mon entourage et de me consacrer à l'essentiel. Et l'essentiel aujourd'hui, c'est ma carrière sportive.
En parlant de maturité ; les anciens entraîneurs vous reprochaient d'en manquer, de vous amuser trop souvent sur le terrain. Pour vous, le foot, c'est d'abord du plaisir ?
Non, pas seulement. Il est clair qu'il faut faire la part des choses. Nous parlons de football professionnel. Mais cela n'empêche de se faire plaisir en même temps. Je reconnais que j'ai un péché mignon : j'aime bien dribbler, faire le spectacle. Mais bon, l'entraîneur que j'ai eu en Arabie saoudite ne pouvait pas me juger, puisque j'étais blessé la plupart du temps. Quant à Guy Lacombe (ndlr : ex-entraîneur du FC Sochaux), il traverse à son tour une mauvaise passe. Et comme j'ai habitude de le dire, la roue tourne. Une carrière de sportif est faite de hauts et des bas. Il faut juste avoir confiance en soi et garder la foi.
En parlant de foi, on décrit Jaouad Zaïri comme quelqu'un de très croyant, de très pieux.
Disons que je suis croyant comme tout musulman. J'essaie d'être le mieux possible par rapport à mes croyances et mes convictions. Je ne sais pas comment les gens le perçoivent, mais j'essaie juste d'être quelqu'un de bien. De toute manière, c'est d'abord une affaire personnelle.
On a justement impliqué votre vie personnelle dans votre baisse de régime. Surtout depuis votre mariage…
C'est n'importe quoi. Si je me rappelle bien, juste après mon mariage, j'ai quand même marqué un triplé contre le Kenya. Du coup, je pense que cela n'a rien à voir. Et s'il y a eu un effet, je dirais qu'il était bénéfique.
Carrière. Des hauts et des bas
Né le 17 avril 1982 à Douar Jjalla (région de Taza), Jaouad Zaïri accompagne sa famille en France à l'âge de 2 ans. Jaouad commence très jeune à taper dans le ballon et commence déjà à rêver d'une carrière de footballeur professionnel.
Le rêve devient réalité lorsqu'il est repéré par le FC Gueugnon. Zaïri intègre le centre de formation du club, pour rejoindre la formation des pros en 2000. Deux ans plus tard, il est recruté par le FC Sochaux, qui effectuait son retour en Ligue 1. L'ailier se fait remarquer par le sélectionneur marocain Baddou Zaki. En 2004, son talent explose lors de l'épopée africaine des Lions de l'Atlas, le transformant du jour au lendemain en idôle des jeunes marocains.
La suite sera moins glorieuse. Progressivement écarté par Guy Lacombe, le nouvel entraîneur du FC Sochaux, Jaouad Zaïri se retrouve prêté à l'Ittihad de Jeddah après un transfert avorté à l'Olympique lyonnais. Entretemps, le joueur voit son étoile décliner dans l'équipe nationale, Mohamed Fakhir faisant de moins en moins appel à ses talents. Sociétaire de club portugais de Boavista depuis 5 mois, Zaïri manifeste déjà son envie de partir sous d'autres cieux. Le club du Mans paraît le plus intéressé par un l'arrivée du Marocain dans ses rangs. Une arrivée qui pourrait se concrétiser dans les prochaines semaines.
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