Recruté à la dernière minute du mercato hivernal, l’international marocain Walid Regragui a retrouvé à Dijon Rudi Garcia, une vieille connaissance…
C’était il y a un peu plus d’un an, dans les salons d’un prestigieux hôtel du Caire. La sélection marocaine, mal engagée dans cette Coupe d’Afrique des Nations qui la fuit depuis 1976, prépare sans réelle conviction son troisième et dernier match du premier tour face à la Libye. Autour d’un café et de quelques pâtisseries orientales, Abdeslam Ouaddou, le grand pote de Regragui, peste contre l’intendance qui régente la vie des Lions de l’Atlas. L’ancien Rennais, aujourd’hui à Valenciennes après un détour par la Grèce, est privé de CAN à cause d’une blessure mal soignée par le staff médical marocain. Regragui embraye sur la gestion délétère organisée par des « personnages incompétents ». Les duettistes, qui ne sont pas réputés pour user de la langue de bois, argumentent, preuves à l’appui. A côté, Badr El Kadouri, le milieu de terrain du Dynamo Kiev (Ukraine), n’en perd pas une miette. Huit mois plus tard, ni l’un ni l’autre ne répondent aux convocations de leur pays. Ouaddou a dit basta en juillet et Regragui a suivi le mouvement deux mois plus tard. «C’était après un match comptant pour les éliminatoires de la CAN 2008 à Rabat, face au Malawi (2-0). J’ai décidé de quitter la sélection, parce que certaines choses ne me convenaient plus. Je me suis posé longuement la question, car c’est un honneur de jouer pour son pays. Mais il y a trop de gens incompétents autour de la sélection. Au lieu d’avancer, le Maroc stagne. Ou pire, régresse. Le Mali, le Ghana ou la Côte d’Ivoire nous sont passés devant. On a de bons joueurs, des moyens, mais ça ne suffit pas. Il faut plus de rigueur… »
Le chapitre de la sélection nationale temporairement refermé – « je pourrais revenir, mon retrait n’est pas définitif » – Regragui parle du présent. Il se souvient lui aussi de cet après-midi cairote et d’une conversation devenue plus légère quand il avait été question de Dijon. De Rudi Garcia, plus précisément, en apprenant les origines côte-d’oriennes de son plumitif interlocuteur. «Rudi, je l’ai connu à Corbeil quand il y était entraîneur. C’est lui qui m’avait donné ma chance en CFA 2. On a toujours maintenu le contact… » Ce vendredi matin, jour de match contre Bastia, l’ex (et futur ?) international marocain avale son deuxième expresso. Bavard impénitent, la discussion passe de sa sélection à la situation politique et sociale du Royaume chérifien. Regragui est né en France, mais le lien avec son pays d’origine a toujours existé. Via ses parents, sa religion et le football. « On dit que ça va mieux là-bas. Quand on descend dans les beaux hôtels et les bons restos, tout va bien. Mais la pauvreté n’est pas loin. »
Et on en revient au DFCO, où il a signé quelques heures avant la fin du mercato hivernal. Parce qu’il avait su s’extirper d’une situation a priori bloquée au Racing Santander, honnête pensionnaire de la Liga espagnole. Le Toulouse ibère, souvent calé au milieu du classement. Ni riche ni pauvre. Middle class, tout simplement. « Il me restait six mois de contrat avec ce club, où j’étais arrivé en juin 2004. Cette saison, je n’avais joué aucun match. Parce que comme d’autres, je n’entrais pas dans les plans de l’entraîneur et du président. Ils me l’avaient dit. Pendant plusieurs semaines, le président était d’accord pour que je parte, mais sans indemnités. Je n’allais tout de même pas m’asseoir sur cinq mois de contrat pour leur faire plaisir. » Dans cette ville universitaire et maritime de Cantabrie, rien n’a vraiment été simple pour lui. « Cela reste une expérience intéressante. J’ai connu six entraîneurs et trois présidents… J’ai beaucoup appris, mentalement surtout. J’ai compris que jouer à l’étranger n’était pas toujours simple. Tout n’a pas été rose, mais il y a eu de grands moments, comme mes débuts en Liga au Nou Camp de Barcelone, au marquage de Ronaldinho… » Une fracture tibia-péroné quelques semaines après la signature de son contrat, une deuxième saison plombée par une mise à l’écart décidée par l’un des ses entraîneurs qu’il a connus là-bas – « celui-ci n’avait pas accepté que je dispute la CAN en Egypte » – et un début de troisième passé à regarder les autres jouer. Vingt-cinq matches en deux saisons et demi. « Le nouveau président Frencisco Pernia et l’entraîneur Miguel Angel Portugal m’ont expliqué avant le début de la Liga qu’ils allaient faire jouer un espagnol à ma place. Le problème venait de mon salaire. Ils auraient voulu que je parte sans indemnités. J’ai eu des propositions de plusieurs clubs français (Saint-Etienne, Troyes et Toulouse), mais financièrement, elles n’étaient pas aussi avantageuses que celles dont je bénéficiais en Espagne. J’étais d’accord pour partir, à condition que Santander me verse quelque chose. » Pernia, le boss cantabrique, ne veut pas lâcher le moindre euro. Regragui, qui a son caractère, décide de ne pas céder non plus. Jusqu’au 29 janvier dernier. « Il fallait que je rejoue. On a enfin réussi à trouver un accord financier. J’ai fait un effort, mais au moins, j’étais libre… » Rudi Garcia est le premier prévenu. L’entraîneur dijonnais, qui n’a jamais caché son intérêt pour un joueur qu’il connaît et dont il apprécie la polyvalence, lui expliqué que le DFCO a déjà pas mal recruté (Jarjat, Magallanes, Thébaux, Sahnoun, Zywiecki), que la cassette dijonnaise est déjà bien entamée mais qu’il va en toucher un mot à Bernard Gnecchi, son patron. « J’ai eu le président au téléphone. Il voulait savoir où j’en étais. J’ai répondu que j’avais besoin de jouer, que la Ligue 2 n’était pas un problème mais seulement à Dijon, car il y a Rudi que j’avais connu à Corbeil. Et j’ai signé au DFCO. »
Catalogué « joueur de Ligue 1 », celui qui fut élu meilleur défenseur latéral droit de la CAN 2004 en Tunisie s’est rapidement fondu dans le moule dijonnais, sans tricher sur son rendement actuel. « Je sais que je ne suis pas à 100 %. »
« L’accueil a été excellent», rappelle celui qui a retrouvé en Bourgogne Stéphane Grégoire, fréquenté à l’AC Ajaccio. « J’ai signé pour cinq mois. Ensuite, on fera le point. » Avec ce nul face à Bastia (0-0) et avant un déplacement télévisé vendredi soir chez le leader messin (20 h 30 sur Eurosport), le DFCO se retrouve largué à huit points de Strasbourg et du Havre. L’ambition L1, si elle a clairement pris un coup de vieux avec la litanie de résultats bancals de ces dernières semaines, n’est pas complètement rangée au fond du tiroir. Regragui, qui a connu deux montées parmi l’Elite avec Toulouse et Ajaccio espère juste que sa nouvelle équipe évacue la (relative) pression qui pèse sur elle. En se lâchant un peu. En prenant les risques que sa situation impose. « Tout peut aller vite en football. Un bon résultat à Metz, avant de recevoir deux fois, et tout serait relancé. Dijon a changé de statut, et il n’est plus considéré comme un sympathique ex-promu de National. Le club a affiché ses ambitions, et il est attendu… » Des ambitions concomitantes avec celles de l’extravertie recrue hivernale. L’un veut goûter à la Ligue 1, l’autre la retrouver. « Attendons la suite. J’ai envie de rejouer en L1. L’idéal serait avec Dijon. Mais même si nous ne montons pas cette saison, je pourrais être séduit par un projet à moyen terme. Le club se donne les moyens de réussir, le parc des Sports va être rénové, etc. A Ajaccio, une ville de 70T000 habitants, le stade était pourri, les moyens faibles et le public peu nombreux… Et cela ne nous a pas empêchés de monter ».
source: La gazette de côte d'or
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