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Abdelmajid Dolmy, le maestro

Source : Liberation Ma

Parmi les anciennes gloires qui nous ont enchantés, retenons ce nom lié à de grands exploits; il s'agit d’Abdelmajid Dolmy, légende du football national qui a fait sensation avec le Raja et les Lions de l’Atlas durant les années 70 et 80. Lorsque l'on parle du célèbre n°4 des diables verts, on pense tout de suite à un joueur flamboyant par son jeu, attachant par sa modestie, mais qui a toujours fui gentiment les feux de la rampe. Parmi les champions d’Afrique de 1976 et les étoiles footballistiques nationales de Mexico 86, il est le plus discret, mais il n'en est pas moins le plus talentueux.


Que sait-on alors de l'homme qui se cache derrière ce monument du football national? Pas grand-chose en fait, puisqu'il pousse sa modestie à l'extrême, en évitant de parler de lui. Dolmy fait partie en effet de ceux qui observaient un mutisme total en dehors du terrain mais qui deviennent très bavards voire éloquents sur le champ de jeu. Il a tapé dans la balle dès qu’il a commencé à marcher d’abord au «Derb Almitr» et après au « Chili », un terrain où l'on jouait des rencontres intenses entre les différents quartiers du fief rajaoui.


Son étoile brilla par la suite en tant qu’attaquant quand il jouait au vieux stade d'El Fida, il devint ainsi la coqueluche des amateurs de football à « Derb Soltane » à telle enseigne que sa renommée tombe dans l'oreille de Mr Youari. C’est ainsi que ce dernier, chargé du matériel du Raja mais aussi grand connaisseur de l’histoire rajaouie, l’invite à tenter sa chance chez le club cher au Feu Père Jégo. Le staff technique vert de l'époque entrevoit un potentiel tellement inhabituel dans son style de jeu, qu'il refusait de croire à son âge et à son aspect peu athlétique. Il signe ainsi sa première licence chez les juniors du Raja en 1970. C’était le début d’une fabuleuse carrière qui allait durer plus de 20 ans. Ses dispositions et ses qualités ne laissaient pas les observateurs indifférents. Après seulement quelques matchs avec son club, il est convoqué en EN « junior ». Il gardera son statut de joueur international pendant 17 ans malgré les différents changements qui ont été opérés au niveau du staff technique national. Et ce n’est pas une surprise si celui, qui a été parrainé par Mustapha Choukri, plus célèbre par son surnom Petchou, a pu, en 1972, intégrer l’équipe première du grand club casablancais composée d'artistes pratiquant un jeu agréable et plaisant, alors qu’il n’a même pas encore fêté ses vingt ans.


Rien n’était facile mais l’enfant brave de «Derb Soltane» a su comment s’imposer, ayant pour seul capital sa passion pour le football, son talent et sa persévérance. Dès sa première année chez les seniors rajaouis, un talent aussi extraordinaire ne pouvait pas laisser indifférent le sélectionneur national. Il est ainsi convoqué à disputer son premier match international avec les Lions de l’Atlas en 1973, à Fès, contre le Sénégal. Le public marocain découvrit un jeune arrière latéral gauche qui, après avoir perdu le ballon pendant une de ses montées offensives, traverse tout le terrain pour le récupérer. En même temps, Dolmy continuait de mettre tout le public rajaoui d'accord par son habilité et ses qualités exceptionnelles qui lui ont ouvert les portes de succès sous les couleurs, vert et blanc, de son club. Il a fait partie en effet de cette la légendaire équipe du RCA du début des années 70 qui a remporté la Coupe du Trône en 1974 face au MAS grâce à un tir de l'ex-buteur du Raja El Arabi. Dolmy explique dans une des rares déclarations qu’il a fait à la presse nationale que ses «débuts en première division avec le Raja» vont être couronnés «par le titre de la coupe du trône (1974)». Après cet exploit, il est allé, en 1976 chasser le signe indien sur terre éthiopienne. Faras et compagnie ont dû lutter à bec et ongles pour donner au Maroc le seul sacre continental de toute son histoire. Lors du dernier match face à la Guinée, Dolmy qui a remplacé Mehdi explique que l’équipe «a livré un match historique». Champion d’Afrique à 23 ans, il commença à bénéficier d'un statut particulier. Non parce qu'il imposait sa façon de jouer ou imprimait son rythme aux matches des Verts, mais tout simplement parce qu’il avait une influence positive sur l'ensemble de ses coéquipiers. Sachant que le Raja de cette époque était composé d’une pléiade d’artistes qui produisait ce football, version Père Jégo, basé sur les passes courtes, les une-deux, l'offensive et l'exploit individuel. En 1977, il remporte sa deuxième Coupe du Trône à Rabat face au DHJ (1-0).


Deux ans après le succès et le couronnement d'Addis-Abeba, vint la déroute de Kumasi. Dolmy a fait partie de l’équipe qui a participé à cette CAN. Après le nul réalisé contre le représentant de l'Afrique au Mondial de l'Argentine (1978) et un succès probant contre le Congo (1-0), les Lions de l'Atlas ont sous-estimé l'équipe ougandaise, croyant les trois points en poche mais ils ont été surpris par des Ougandais, finalistes par la suite, qui leur avaient infligé une sévère correction de 3-0, synonyme d'une sortie par la petite porte. En 1979, Dolmy participera Jeux méditerranéens de Split en Yougoslavie et tout le public marocain se souvient de ce samedi de septembre 1979, à Zadar, au cours duquel «le professeur» avait fourni une prestation extraordinaire face à une équipe du pays organisateur grandissime favorite (match perdu 2-1, but de Boussati). La fin du cycle des Champions d’Afrique 1976 se confirma par la déception du 9 décembre 1979 et la défaite inattendue à Casablanca devant l'Algérie par 5-1 pour le compte des éliminatoires des jeux olympiques de Moscou. En 1982, Dolmy rééditera les exploits de 1974 et 1977 en remportant sa troisième Coupe du Trône avec le Raja. A l'occasion des XIe Jeux méditerranéens de Casablanca, en 1983, c'est l'apothéose : Dolmy avec une nouvelle génération de joueurs talentueux dont le maestro Timoumi, Aziz Bouderbala, Saâd Dahane, Khalid Labied décroche la médaille d'or. Toujours avec cette génération, Dolmy assurera en 1984 la qualification du Maroc aux JO de Los Angeles et jouera la finale des Jeux panarabes 1985 à Rabat. Une année plus tard, le milieu de terrain rajaoui retrouve avec les Lions de l’Atlas le pays des aztèques, seize ans, après y avoir effectué des premiers pas plus qu’encourageants. Le Maroc qui s’est imposé comme la meilleure équipe africaine en 1985 est largement délaissé à l’heure des pronostics. L’équipe a pourtant fière allure avec l’incontournable Dolmy, El Biyaz, Lemriss, Bouderbala et Timoumi. L’EN est dans un groupe difficile aux côtés de l’Angleterre, de la Pologne et du Portugal. A la surprise générale, Les Lions de l’Atlas, partagent les points avec la Pologne de Boniek, puis avec l’Angleterre des Shilton, Waddle, Hateley et Lineker. Cerise sur le gâteau, la sélection nationale dispose ensuite du Portugal et, coup de théâtre, terminent en tête de leur groupe. Pour la première fois, une équipe africaine franchit le cap du premier tour. Hélas, en huitième de finale, une erreur défensive, en toute fin de rencontre, permet à Lothar Matthäus de faire la différence.


Lors de ce mondial mexicain, l’excellent n°6 marocain avec ses qualités indéniables de joueur au coup d'œil ahurissant va se montrer intraitable au niveau de la récupération, ce qui va dégoûter ses adversaires à tel point qu’il fut, lors du match Maroc-Angleterre (0-0), agressé par un joueur anglais exclu par l’arbitre de la rencontre. Ses prestations époustouflantes lui ont donc valu un 9/10, note rarement attribuée par le quotidien spécialisé «L’EQUIPE».


En 1987, le joueur, dont la timidité avait davantage contribué à son charisme, rejoignit les rangs du club de la Centrale Laitière (devenu par la suite OC). Le jeune club casablancais avait besoin d’un véritable maestro qui peut, sur le terrain, orienter le jeu, sécuriser ses partenaires, assurer la jonction entre la défense, les couvertures, et la récupération. Après trois ans sous les couleurs, bleu et blanc, il revient chez les Verts assurer pour une dernière saison son rôle de "porteur d'eau". En 20 ans de carrière chez le Raja et l’OC, celui qui a côtoyé trois générations chez les Lions de l’Atlas n’a jamais reçu un seul carton rouge malgré son poste de milieu défensif, conduite qui lui a valu le Prix du fair-play décerné par l'UNESCO (15 octobre 1992).


Dolmy se contente actuellement de suivre le football national à travers les commentaires de la presse. "J'ai maintenant d'autres préoccupations que les gradins des stades, mais je suis de près l'évolution de mon club qui s'investit énormément pour le bonheur des supporters". Si en Europe, organiser un jubilé à des grands joueurs comme cet artiste qui a émerveillé le public des années 70 et 80 par sa technique et son coup d'œil légendaire, chez nous c’est l’ingratitude totale. On espère que ce portrait pourra arracher à ce modèle de footballeur doué et discipliné ce sourire que ses copains intimes connaissent bien.

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