Le coach des FAR a brillé au plus haut niveau, ces dernières années. Il accumule les titres et conquiert les coeurs.
M’hammed Fakhir ne paie pas de mine. Disponible, courtois, habillé comme monsieur Tout-le-monde, il est difficile de déceler chez cet homme convivial une star du ballon rond. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. En quatre ans à peine, l'homme s'est construit un palmarès hallucinant : trois titres de champion du Maroc, deux coupes du trône et un titre continental.
Revenons en arrière. Fakhir débarque à Agadir en 2001, avec une réputation de technicien efficace, qui a su maintenir la Renaissance de Settat à un niveau correct malgré des difficultés financières chroniques. Avant Settat, Fakhir officiait dans le club de son coeur, le Raja, où il avait fini par prendre l'habitude d'entraîner l'équipe première entre deux techniciens étrangers.
Pour sa première année avec le Hassania, il décroche le premier titre de champion de l'histoire du club, rien de moins. La seconde année, il réédite l'exploit. Il en rigole encore : “La première saison, on nous prenait pour des lièvres. Mais la deuxième fois, il a bien fallu admettre qu'il y avait là-bas une vraie équipe”. Une équipe, certes, mais aussi un entraîneur.
Fakhir rejoint les FAR en 2003. Le Hassania, redécouvre, aussitôt, l'anonymat du championnat. Avec les militaires, Fakhir loupe le titre d'un poil, à dix secondes de la fin du dernier match de la saison. Il se rattrape avec une coupe du trône. En 2004, les FAR viennent conquérir de haute lutte le titre, en battant le Raja à domicile, pour le match décisif. Dans la foulée, suivent une autre coupe du trône et une coupe de la CAF. Fakhir, lui, se contente de parler de baraka. Il ne s'agit pas de fausse modestie mais bien d'une vraie humilité. Lorsqu'on insiste pour connaître sa méthode, il évoque ses joueurs : “Ce sont eux qui font l'équipe. Il faut arriver à garder tout le monde motivé, surtout les remplaçants. Il faut savoir se faire respecter sans se faire craindre, garder le dialogue toujours ouvert. Lorsque vous arrivez à donner de la confiance aux joueurs, ils peuvent faire des miracles”. Quel meilleur exemple peut-on trouver que celui d'Armoumen, attaquant rejeté par le Raja, et qui est venu à Casablanca, il y a six mois, planter deux buts à son ancien club, pour le match décisif.
Sur le sujet de sa relation avec les joueurs, Fakhir est intarissable : “J'ai à ma disposition trente joueurs. Le dimanche, il y a en onze qui vont jouer. Tous les autres souffrent, sportivement, moralement, et surtout financièrement. Il faut leur expliquer pourquoi ils ne jouent pas, et surtout ne pas leur mentir”. Un discours humaniste qu'on peut facilement vérifier chez les principaux intéressés. Redouane Benchetioui, gardien de but du Hassania, parle carrément “d'un père, capable de mettre la main à la poche pour aider ceux qui ont des problèmes”. Il enchaî-ne : “Vous ne trouverez personne à Agadir pour dire du mal de Fakhir”. La preuve, cette standing ovation réservée par le public du Hassania, pour son retour à Agadir avec les FAR. Fakhir marche à l'affectif. On peut le vérifier aussi lorsqu'il parle de son joueur disparu tragiquement lors d'un accident de voiture, le regretté Hicham Zerouali : “Je me rappelle son dernier match avec nous. Il a marqué deux buts en six minutes avant de se faire expulser, une performance vraiment spéciale. En sortant, il a longuement salué le public. C'est cette image que je garde de lui. Son salut au public. J'ai l'impression qu'il disait au revoir à tout le monde”.
C'est H'cina, figure historique des FAR et actuel adjoint de Fakhir qui résume le mieux le sentiment général en expliquant tout simplement : “qalbo biad” (il a le cœur blanc). Il faut multiplier les coups de téléphone pour finalement trouver un joueur qui accepte de livrer un des défauts du coach. C'est le milieu de terrain Hafid Abdessadek qui vend la mèche :“Un défaut chez Fakhir ? Je vais vous le dire : il hurle tout le temps. Un vrai berrah. Il a une voix, tbarek allah, qui couvre le public. On l'entend en continu. Après le match, je crois qu'il est obligé d'avaler des sirops pour la gorge !” On ne peut pourtant pas réduire M'hammed Fakhir à ses seules valeurs humaines. L'homme connaît le football, c'est une évidence.
Longtemps défenseur du Raja, puis responsable des jeunes du club (certains se souviennent qu'il motivait ses jeunes joueurs en leur promettant des bouteilles de soda à chaque but marqué), Fakhir a eu la chance de pouvoir bénéficier d'une formation haut de gamme. Une année complète en Allemagne, dans une université sportive, année passée à décortiquer les aspects tactiques, techniques et physiques du jeu : “J'ai vraiment souffert. Il y avait le froid, mais aussi l'énorme charge de travail. Il fallait se réveiller à six heures, tous les jours, pour suivre les cours théoriques, les exercices pratiques. Et le dimanche, on allait suivre les matches de la bundesliga pour faire des rapports sur un des aspects du jeu. Mais j'ai appris énormément”. Le résultat, c'est une rigueur germanique qui a fait dire à un haut gradé des FAR lors de son arrivée au club rbati : “Mais vous êtes plus militaire que nous !”. C'est cette rigueur qui lui fait interdire à tout dirigeant l'accès aux terrains d'entraînement. C'est cette même rigueur qui le pousse à décortiquer le jeu des adversaires pour adapter les exercices, tout au long de la semaine. Un souci du détail qui l'incite à superviser absolument tout, du menu des joueurs à la qualité des équipements.
H’cina est formel : “Comme joueur et comme adjoint, j'ai pu travailler avec des Marocains, mais aussi des Roumains, des Brésiliens, des Espagnols, des Français... Et le meilleur, celui avec qui j'ai le plus appris, c'est Fakhir, c'est clair”.
Naturellement, la question de l'équipe nationale se pose. Son nom a été évoqué par la totalité de la presse pour un remplacement de Zaki. Lui est plus mesuré : “En tout et pour tout, j'ai reçu un seul coup de fil de la fédération qui m'a demandé si j'étais éventuellement disponible. Ça a duré trois minutes”. Autrement dit, le coach miracle n'a jamais été reçu, ni même réellement consulté. On a , en fait, utilisé son nom comme argument de négociation pour faire baisser les exigences de Troussier, finalement retenu. L'homme avait pourtant de beaux arguments à faire valoir : des talents de rassembleur, une réelle compétence technique validée par un palmarès exceptionnel, une maîtrise parfaite du français et de l'arabe.
Dommage... Son heure viendra sans doute. En attendant de passer le cap international, il encaisse tout de même un certain nombre de frustrations dans notre brave GNF1, notamment celle de devoir jouer sur des terrains de mauvaise qualité : “Quand vous jouez sur un mauvais terrain, le jeu est ralenti. Ça favorise les défenses, c'est pour cette raison, entre autres, qu'il n'y a pas beaucoup de buts dans notre championnat. Vous croyez que Ronaldinho pourrait enchaîner les dribbles sur un terrain marocain ?” Frustration également de voir certains joueurs ne pas avoir la carrière qu'ils méritent : “Mohammed Hsaini, le défenseur du Hassania d'Agadir, est sans doute le meilleur joueur que j'aie entraîné. Malheureusement, il est à Agadir, et personne ne s' intéresse à lui”. Dur à avaler pour un éducateur qui aime parler de justice et d'honnêteté. Lorsqu'on lui demande s'il a des modèles pour son métier d'entraîneur, il réfléchit sincèrement avant de répondre : “Non, pas vraiment”. Ce n'est pas de l'arrogance, mais une évidence : M'hammed Fakhir est un cas à part. Un mélange de sérieux et d'affectif dont le succès fait plaisir à voir.
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