Le Centre de formation du Raja est en phase de finalisation. Joueurs, entraîneurs et dirigeants se démènent pour en faire un succès.
Complexe du Raja, quartier Ouaziz. La gigantesque porte verte est en fait une frontière ingrate. A l'extérieur, ceux qui n'ont pas pu gagner le ticket d'accès au centre de formation contemplent tristement les allées et venues de ces nantis qui vivent à l'intérieur du complexe : les probables futures stars du football national. Le complexe est composé de plusieurs terrains gazonnés pour les entraînements, de tribunes pour les supporters, d'un café et d'un restaurant, des bureaux pour le staff administratif et, enfin, d'une résidence pour les internes du club. Salle de réception. Le staff du Raja est au complet. De l'autre côté, les jeunes du centre papotent. Ils lancent des regards furtifs en direction de leurs dirigeants. On sent l'attente. Chez les jeunes comme chez les dirigeants et les entraîneurs…
On vient depuis le Mali…
Chez ces joueurs âgés de 15 à 20 ans, l'heure est à l'enthousiasme. Ils sont tous heureux d'avoir franchi le test et réussi à faire partie du groupe très restreint de l'élite du centre de formation. M. Soulaïmani, directeur technique du club, en fait une question d'honneur : « Pour accéder au centre, le joueur doit montrer un talent footballistique inné. Il doit également justifier de qualités techniques et athlétiques, de l'intelligence dans le jeu et une bonne capacité de compréhension des instructions ».
Ces jeunes s'appellent Mounir, Hamid, Hakim ou Souhaïl. Ils viennent de toutes les régions du Maroc, Agadir, Taza, Settat, Benslimane ou Salé. Bon nombre de ces futures étoiles sont venues à Casablanca tenter le rêve « vert ». D'autres ont été découverts dans leurs villes d'origine par les recruteurs du Raja. « L'actuelle star du Raja, Zemmama, pratiquait le foot avec Chabab Tabrikt de Salé. Il a fallu aller sur les lieux, organiser un match avec l'équipe locale pour le découvrir. Depuis, il est devenu une sorte d'exemple pour les jeunes de la région qui veulent accéder au club de formation », raconte avec plaisir le directeur technique du Raja.
Il y a aussi la légion africaine constituée de cinq éléments. Amadou Bah, 16 ans, en fait partie. « J'ai fait le voyage depuis le Mali spécialement pour le centre de formation. Ici, on apprend énormément dans le domaine du football. Mais le centre ne fonctionne pas encore à 100% de ses capacités. Les dirigeants nous ont promis de pallier les insuffisances. On aimerait avoir plus d'une séance d'entraînement par jour ». Et le contrat ? « Je n'en ai pas encore. Les dirigeants nous ont dit que les contrats sont en train d'être finalisés. Dans ma tête, il n'y a pas de doutes. Je signerai avec le Raja ».
Les bobos du centre
Apparemment, les jeunes du centre sont tout heureux d'appartenir à la fine fleur du club vert. Le problème, c'est que la formation ne se fait pas encore à plein régime. Ce qui n'est pas sans déplaire aux jeunes joueurs comme au staff technique. « Le démarrage est toujours difficile. Nous voulons que ce centre soit opérationnel dans les jours qui viennent. Mais cela ne dépend pas uniquement de nous », explique avec réalisme Mohamed Delhi, directeur du centre. « On fait appel à toutes les bonnes volontés, à tous ceux qui peuvent nous aider. Le centre de formation a une vocation sociale. Ces jeunes sont issus d'une couche sociale défavorisée. Nous assurons leur prise en charge. Ils logent au centre et continuent également leurs études. Tout cela demande de l'argent », indique M. Souiri, Président du Raja Club. « ہ ce stade, le projet nous a déjà coûté sept millions de dirhams. Et le fait est qu'il n'est pas encore totalement opérationnel. La fédération nous a promis une somme de 1.5M Dh. Nos besoins sont plus grands. Il faut des moyens pour créer une structure administrative pour le centre. Il en faut également pour assurer la maintenance des lieux et l'intendance du centre ».
« Nous avons prévu au départ 40 pensionnaires en plus d'une dizaine de joueurs en demi-pension. Au vu des moyens actuels du club, on commence cette année avec 26 internes. Les uns sont en préformation, c'est-à-dire des cadets. Les autres sont en formation. Ils sont des éléments de l'équipe junior qui dispute les matchs de lever de rideau du championnat GNF (groupement national de football) », précise M. Soulaïmani. Les dirigeants du RCA vont explorer d'autres voies de collaboration : « Nous ne pouvons pas compter que sur les ventes de billets qui demeurent des sources aléatoires. Nous allons chercher des sponsors pour assurer le fonctionnement à long terme du centre. Nous allons certainement nous ouvrir vers le privé. Notre objectif immédiat est de former des joueurs pour l'équipe du Raja ainsi que pour d'autres clubs du Maroc. A moyen terme, nous pourrons alors nouer des partenariats avec des clubs européens. Chaque chose en son temps… », explique, un peu philosophe, M. Delhi.
Les petites villes, un véritable trésor
Les entraîneurs du centre, à l'image de Jamal Sellami, ex-capitaine du Raja du début des années 90 et El Aïnaïne, ancien gardien de but des diables verts, se chargent de cette précieuse graine. Ils insistent sur la formation continue, clé de la réussite de toute politique de formation. « Avant qu'ils arrivent à l'équipe senior, les joueurs escaladent toutes les catégories jeunes du club, des minimes aux seniors, en passant par les cadets et les juniors. Pour parvenir à former un bon joueur, il faut faire preuve de suivi et de continuité », précise l'entraîneur des gardiens El Aïnaïne.
Le Raja, toutes sections confondues, compte une quarantaine de coachs. La majorité de ces instructeurs sont des ex-joueurs du club et des professeurs d'éducation physique. « Nous insistons dans le cadre de notre politique d'entraînement et d'apprentissage des jeunes sur l'homogénéité des méthodes de travail. Les entraîneurs des différentes sections sont chapeautés par des coordinateurs. Ces mêmes coordinateurs se rassemblent périodiquement dans le cadre de la commission de la formation continue », explique M. Soulaïmani. Puis, il y a aussi le travail de terrain, à Casablanca, dans les quartiers périphériques, mais aussi dans le reste du pays. « Nous nous sommes déplacés dans des petites villes, à Sebt Gzoula, Ksar Kbir, Tabrikt, Taza, Zmamra, Fkih Bensalah. Nous invitons également ces équipes au centre pour des matchs amicaux. Il est essentiel de dire que les clubs des petites villes effectuent un travail de fond extraordinaire. Ils nous aident à découvrir des talents locaux et en contre-partie, nous les récompensons par des dons de matériel ou avec de l'habillement sportif », confie M. Delhi.
Allier foot-ball et études
Au centre de formation du Raja, les pensionnaires ont pour la plupart arrêté leurs études. Hamid, originaire de Taza où il jouait pour l'Olympique local est une heureuse exception. Il passe son baccalauréat cette année. « C'est dur de concilier le centre et les études. Mais, je tiendrai le coup », lance-t-il, des étincelles dans les yeux. « Il nous est impossible de faire une formation sport-études. Cela demande beaucoup de moyens. Seul l'Etat peut réaliser une telle initiative », commente le directeur du centre.
Heureusement, la formation footballistique a aussi son volet culturel et les dirigeants du RCA semblent en faire une priorité : « Nous leur apprendrons comment intéragir avec l'environnement extérieur, avec le public, la presse, les arbitres et l'encadrement technique. Nous avons aussi prévu l'enseignement des langues à partir de début 2005. Nous allons très prochainement équiper les locaux d'ordinateurs pour permettre à ces jeunes de se familiariser avec l'outil informatique », déclare avec ferveur M. Soulaïmani. Et ceux qui ne réussiront pas à accéder à l'équipe « A » du Raja ou à être vendus à un autre club ? « Le centre est organisé de telle manière à minimiser les cas d'échec. Il y en aura bien sûr quelques-uns, comme c'est le cas pour toute formation », explique Larbi Chafik, responsable technique du centre de formation. Réaliste.
Hicham Houdaïfa
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