3 votants sur 24 était au maroc la semaine derniére

Source : L'opinion

Le président de la CAF, Issa Hayatou, membre du Comité exécutif de la FIFA, et à ce titre l’un des principaux votants pour l’attribution de la Coupe du Monde 2010, était la semaine dernière au Maroc.

Mais officiellement, sa présence n’avait rien à voir avec le football, il était là pour une question de femmes. Membre de la commission « Sport et Femmes » au sein du CIO, il est venu participer aux travaux de la session spéciale qu’a consacrée le CIO à la place de la femme dans le sport, réunion qui s’est tenue du 8 au 10 mars dernier à Marrakech.

Cependant, Issa Hayatou, à la clôture des travaux du CIO, s’est offert deux jours de repos dans la capitale du Sud, accompagné de son épouse Marie Pierre et de l’aîné de ses fils, Abdoulaye. Deux autres membres du Comité exécutif de la FIFA, également accompagnés de leur épouse, séjournèrent à la même période à Marrakech.

Il s’agit de MM. Diakité (Mali) et Aloulou (Tunisie).

3 votants sur 24, se baladant dans les rues de Marrakech et devisant tranquillement dans les salons feutrés de « la Mamounia », avec Saïd Belkhayat, Saâd Kettani, Aouzal, M’hamed Zghari et Karim Allem qui les ont accompagnés lors de leur séjour, cela a de quoi éveiller la curiosité de tous ceux qui suivent, et de tous ceux qu’intéressent la poursuite fantastique derrière cette belle aventure du Mondial 2010.

Très diplomatiquement, et aussi avec beaucoup de prudence, Issa Hayatou a refusé, du moins publiquement, d’aborder le sujet 2010.

Se contentant de répondre à ceux qui insistaient : « Moi, maintenant, je suis au Maroc, je m’y repose. Tirez-en les conclusions que vous voulez ».

Toutefois, il a bien fallu attendre le moment propice pour bavarder tranquillement avec le président de la CAF, personnalité incontournable du football africain et mondial.

L’entretien se déroula à la fin de son séjour, quelques heures, tout juste, avant son départ du Maroc. En voici pour nos lecteurs, les questions et les réponses.

M. le président, tout d’abord félicitations pour votre brillante réélection à la tête de la CAF. Elle fut incontestable, et pourtant, beaucoup de vos adversaires annonçaient que vous alliez y laisser des plumes, que votre concurrent avait une vision nouvelle, et que vous, après 16 ans de présidence, étiez victime d’un phénomène d’usure...

Oui, c’est bien vrai, et je dois vous dire que moi-même je ne m’attendais pas à gagner avec un tel score. Il y avait l’attrait de la nouveauté, il y avait aussi le fait qu’en 2002 à l’élection de la FIFA, face à Blatter, plus de 20 pays africains avaient voté contre moi pour favoriser Blatter. C’était terrible, mais je ne suis pas homme à me défiler. Et donc j’ai tenu à relever le défi. Je savais que le travail effectué à la CAF allait être reconnu, je sais aussi que les Africains aiment le sûr, pas l’aventure. Il y a eu aussi des gens qui m’ont soutenu. Et des chefs d’Etat, et je profite par l’intermédiaire de votre journal, pour renouveler mes remerciements à S.M. Mohammed VI qui m’a fait l’honneur de me recevoir et de m’assurer de son soutien.

A votre élection a succédé une Coupe d’Afrique dont le succès est sans précédent, tant sur le plan spectacle que sur le plan économique avec des sponsors, de très gros droits de TV, etc.

Oui, qui aurait dit par exemple qu’un groupe comme Nokia viendrait pour devenir partenaire du football africain. C’est là une preuve de notre sérieux et du progrès du foot africain.

Et cette histoire de droits T.V que le groupe A.R.T ne voulait pas céder...

Là, la CAF a planché avec tous ses conseillers pour trouver la faille juridique. Il était inadmissible que des pays comme le Maroc, l’Algérie ou la Tunisie ne puissent avoir la retransmission de leurs matches en direct. Finalement, on a trouvé cette solution de la langue utilisée pour les commentaires. Et ainsi, on a pu débloquer à la toute dernière minute la situation.

Le Français pour les matches marocains et l’Anglais pour les matches retransmis en Egypte...
Non, non les Egyptiens ont eu leurs matches en français aussi, car le groupe ART avait l’exclusivité pour l’Asie et le Moyen-Orient, où il diffusait les matches en anglais et en arabe alors que les Egyptiens ont dû suivre la CAN 2004 en français.

Aujourd’hui, la Coupe du Monde va avoir lieu en Afrique. Le 15 Mai, on saura quel est le pays qui abritera cette compétition. On ne sait pas qui, mais on sait que ce sera sur le continent africain. C’est une victoire pour vous, une victoire personnelle car vous avez mené bataille pour cela - C’est un rêve qui se réalise. Est-ce un aboutissement pour vous, ou bien avez-vous un autre rêve ?

- Il faudrait maintenant qu’une équipe africaine remporte la Coupe du Monde sur le terrain, en finale. Il n’y a pas de raison pour qu’on ne franchisse pas ce cap. On a gagné les J.O, avec le Cameroun et le Nigeria, on gagne les grandes compétitions de jeunes (cadets ou juniors). On a les équipes qui peuvent réaliser cet exploit, le jour où une équipe africaine remportera la Coupe du Monde, plus personne ne pourra nous traiter d’amateurs, comme beaucoup continuent de le faire aujourd’hui.

La CAN se déroule tous les deux ans. Et une fois sur deux la CAN qualifiera aussi à la Coupe du Monde. Il y aura donc des compétitions plus importantes, que d’autres. Est-ce qu’il ne serait pas judicieux de penser à organiser la CAN une fois tous les quatre ans, au lieu de deux ans ?

Non, non, on garde ce rythme, et durant les dix prochaines années rien ne bougera. L’Afrique a besoin d’une grande compétition tous les 2 ans. Et le succès de la CAN 2004 encourage et renforce ce choix. En 2002 si le Mali n’avait pas organisé la CAN, jamais il n’aurait construit les 5 stades dont il dispose actuellement. La CAN peut faire rattraper le retard en infrastructures du continent africain.

Quant à la CAN qui sera jouée sans qualifier à la Coupe du Monde, son intérêt sportif restera grand. Un titre africain, c’est quelque chose quand même. Ça compte dans le palmarès d’un pays.

Alors, peut-être qu’il faudra revenir à l’idée qu’avait lancée Blatter, à savoir organiser la Coupe du Monde tous les 2 ans ?

Mais l’Afrique a toujours été pour cette idée, et à fond, mais l’Europe ne veut pas. L’U.E.F.A a beaucoup de compétitions qui lui rapportent beaucoup d’argent et elle ne dérangera pas ses calendriers. Une Coupe du monde tous les 2 ans, ce serait très bien, mais tant que l’Europe ne s’y intéresse pas, rien ne pourra se faire.

Ces joueurs qui changent de nationalité pour aller renforcer d’autres équipes nationales que celle de leurs pays, ne sont-ils pas une sorte de danger pour le football africain ?

Je ne vois pas pourquoi. Ce phénomène de joueurs qui jouent dans d’autres équipes nationales a toujours existé. Mais tant que c’était l’Europe et les pays riches qui en profitaient, personne ne parlait, personne ne disait rien. Beaucoup d’Africains n’ont jamais joué pour leur patrie et ont fait les beaux jours de grands pays européens. La liste est très longue. Mais il a suffi qu’un Brésilien (Santos) devienne Tunisien pour que tout le monde commence à réfléchir. Non, pour l’instant je ne vois pas où est le danger pour l’Afrique.

Le danger pour l’Afrique serait que notre football oublie de travailler à la formation. C’est un travail nécessaire, indispensable.

Le jeune africain est naturellement doué, il a des qualités de dribble, de vitesse, de spontanéité. Mais l’âge venant, il se trouve dépassé par l’Européen qui, lui, a connu une formation solide au sein de son club.

Sans travail, les qualités naturelles, c’est un véritable gâchis. Et aujourd’hui encore, on perd beaucoup de joueurs qui auraient été des artistes, des stars du ballon.

M. Hayatou, le 15 mai au matin à Zurich, on choisira le pays pour la Coupe du Monde 2010.

Oui, et je précise que la CAF s’agissant de candidats uniquement africains, ne pourra donner aucune consigne de vote. Il n’est pas question de favoriser l’un des candidats au détriment de l’autre. Il va falloir continuer à gérer la CAF après le 15 mai. Il n’est pas question de déclencher une guerre civile.

Mais croyez-moi, on va bien étudier le dossier de chaque pays.

Et puis, il y a l’Histoire, il y a les pays qui ont eu le courage de se présenter quand il y avait de gros concurrents en face. Et il y a les opportunités. On choisira et on votera non seulement selon les sentiments mais surtout sur le plan solidité du dossier.

Le Maroc n’est pas manchot dans ce domaine.

Oui, je connais vos idées M. Salmi, et je suis très proche du dossier marocain.

Je sais que cette fois les Marocains, ont tiré profit des erreurs des fois précédentes.

Il y a des choses nouvelles et intéressantes, m’a-t-on dit, dans le dossier 2010 du Maroc. J’attendrai que la FIFA nous les communique pour me prononcer...

Pour être franc, il y a une faille dans le dossier marocain, c’est le retard pris depuis trop longtemps dans la construction des stades. On en parle un peu partout de cela.

Cependant, je me dois de rappeler que pour 1996, au moment où la FIFA a accordé la Coupe du Monde 2002 au Japon et à la Corée du Sud, aucun des 2 pays n’avaient construit les stades de la compétition.

La FIFA a fait confiance à ses deux pays. L’Afrique bénéficiera-t-elle de la même confiance que celle accordée aux 2 pays asiatiques ?

C’est ce qu’on verra. Le 15 mai, c’est très proche et très loin, tout pourra se décider n’importe quand, même à la toute dernière minute, lors de la réunion de vote, le matin même, cela s’est déjà vu...

Je ne vous en dirai pas plus, M. Salmi, à vous d’écrire cela comme vous le sentez - voilà, au revoir ».