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Nora Jamaaoui, Madame l’entraîneur

Source : telquel

À 25 ans, Nora Jamaâoui est seule parmi ses pairs. Première et unique femme entraîneur d’une équipe masculine de football, c’est avec les jeunes de son quartier qu’elle s’est imposée dans le milieu. En toute simplicité.


Dans un brouhaha de collégiens, le 9 de Ronaldo dans le dos de son tee-shirt bleu, Nora Jamaaoui se distingue à peine des filles qui s’ébrouent parmi les dossards froissés, sous le panneau de basket. Tout en sourire et l’énergie collée à la peau, la jeune femme de 25 ans entame son cours de sport dans une école privée de Daoudiyate, à Marrakech. Et rabroue quelques fortes têtes masculines, avides de dérober un ou deux ballons aux adolescentes énervées.


Derrière cette jeune prof originaire d’Azilal se cachent une vocation, et quelques surprises. Pour la cinquième année consécutive, Nora est l’entraîneur officiel des juniors du MCM, le Mouloudia Club de Marrakech, la consacrant première et unique femme au Maroc, du haut de sa vingtaine d’années, à diriger, commander, guider, gronder, échauffer et faire suer une équipe de… footballeurs. De mecs, pour résumer. Chaque soir après les cours, Nora endosse sa casquette d’entraîneur et squatte les tribunes du Kawkab et du Mouloudia pour retrouver ses pairs. Les yeux rivés sur le jeu, elle bavarde sélection, championnat, joueur, points tactiques, détails d’initié. "Celui-là, là-bas, va partir à Nantes, c’est un excellent buteur". Dans cette ambiance nocturne si particulière, nourrie de sifflets nerveux et de soufflements virils, pas une femme à l’horizon, hormis elle.


L’an dernier, la jeune femme a aussi été nommée adjointe de l’entraîneur des seniors de la Ligue du Sud, une sélection des meilleurs joueurs régionaux, non sans provoquer quelques grincements parmi certains "apparatchiks" du Mouloudia. "Je crois que c’était surtout une histoire de génération, certains acceptant mal ce bouleversement des genres. Mais parmi les jeunes, j’ai vite trouvé ma place. Maintenant on me salue, comme un soldat parfois !". Et comme le rappelle l’entraîneur en titre Khalid Jankari, "elle n’est pas partie par manque de compétences, mais au contraire pour avoir une équipe à sa charge, pour porter plus de responsabilités".


Car son premier combat, depuis 2000, ce sont "ses enfants" du MCM, une équipe née de son flair, de sa tête et d’une foi footballistique à toute épreuve. Une équipe pétrie depuis ses débuts dans la poussière de Hay Youssef Ibn Tachfine, le quartier des militaires de Marrakech, bordant le centre de parachutistes. 24 joueurs aux alentours de 17 ans, tous enfants de militaires, habitués à tuer les heures à coups de pied dans le ballon sur un terrain informe au milieu des bâtisses roses pales du douar, des gars du quartier.


Fille d’un officier à la retraite dans une famille de huit enfants, c’est ici que Nora a grandi. Blouson du Barça sur le dos, la jeune femme ne franchit pas un mètre sans taper dans la main d’un grand-père, d'un gamin, d'un ami ou d'un joueur qui l’interpelle avec un respect familier. Amoureuse du football depuis l’âge de dix ans, Nora se battait déjà à l’école pour réclamer sa part du ballon, petit patrimoine rebondissant des garçons… "Les filles, elles pouvaient (toujours) courir, rappelle-t-elle un peu fâchée, mais entêtée comme j’étais, je me suis vite fait repérer". Un prof, convaincu que la petite "a du métier", l’inscrit au centre de formation d’Agadir, elle se démarque en équipe féminine, essuie des échecs en championnat, mais monte en grade, insensiblement.


L’envie de passer "de l’autre côté de la barrière" la taraude. "Il me suffisait d’observer les gamins du quartier. J’étais frustrée de les voir se défouler comme ça sous mes yeux, à l’abandon, sans responsabilité, avec du talent à revendre". L’idée fait son chemin. À peine plus âgée à l’époque que ses joueurs aujourd’hui, et consciente de l’aide qu’elle a elle-même reçue, Nora rend la monnaie de la pièce et plaide sa cause auprès de la Fédération nationale de football, remplit des paperasses, dépose un nom d’équipe et traque du matériel. "Au tout début, on a fait avec les moyens du bord, en récupérant des ballons et maillots offerts à quelques joueurs par une entreprise d’électroménager lors d’un tournoi autopromotionnel organisé en 1999 au Stade d’honneur de Casa".


Au fil des championnats, alors que ses joueurs gravissent les échelons, c’est avec fierté que Nora constate sa propre rareté : "Sur une douzaine d’équipes, j’étais la seule femme entraîneur. Pourtant, nous sommes allés en finale. C’est le résultat d’un travail acharné, pendant près de cinq ans. Je leur ai appris les règles du football, à être disciplinés, surtout avec l’arbitre. Moi-même, la première année, je n’avais aucune formation d’entraîneur". Autodidacte portée par sa connaissance du jeu et une fibre presque maternelle, jusqu’à ce qu’un homme d’expérience, Ahmed Belguerrouj, lui apporte son aide, en 2001.


Parmi ses jeunes, quelques surdoués. Quatre joueurs ont été repérés l’an dernier par les sélectionneurs de Al Qadam Addahabi pour participer au programme "chasseur de prodiges" de la TVM. L’un d’entre eux, Wasir, a fait partie des finalistes et s’apprête à mettre les voiles pour Le Havre. Loin de rester dans l’ombre de son quartier, Nora tape dans l’œil des spécialistes lors de la prospection nationale et ceux-ci l’invitent à assister aux entraînements pour parfaire sa formation. "Elle disposait déjà de grandes connaissances et nous tenions à l’enrichir sur les plans psychopédagogique et tactique, confie Abderrahim Talib, entraîneur et jury du Pied en Or.


Elle a beaucoup apporté aux joueurs, les aidant et les écoutant lorsqu’ils étaient écartés. Un entraîneur est d’abord un éducateur, la confiance qui le lie à l’équipe est la base de son travail, c’est ce que nous avons trouvé chez Nora. Elle sait s’approcher des joueurs, se comporter avec des jeunes qui viennent de la rue, les canaliser". Un feeling qu’elle a d’abord projeté sur sa propre équipe via un engagement qui dépasse le seul football. "Pour des jeunes de cet âge, le sport est crucial pour empêcher les dérives, leur apprendre à s’investir. Moi j’habite à côté, je les connais comme mes frères, j’ai pu observer les changements, veiller à leurs résultats scolaires". Au point de sacrifier, parfois, les conditions de travail.


Cette après-midi d’octobre, le soleil tape encore sur les quartiers de Marrakech et plusieurs heures restent à attendre avant le ftour. Sur un terrain de fortune, rectangle de bitume sans buts vaguement délimité par quatre bandes de poussière, une dizaine des ses joueurs s’étirent et courent le long d’un mur tagué. "C’est maintenant que tu arrives ? Yallah celui qui traîne, c’est dix tractions ! On est sérieux, là". L’air triste de ce coin désaffecté ne déboute en rien l’enthousiasme de mademoiselle l’entraîneur. "Il ne faut pas croire qu’on n’a pas de moyens, on a fait du chemin depuis quatre ans. Mais je tiens à ce qu’ils s’entraînent près du lycée afin que tous puissent être présents. En cours comme à l’entraînement".


Une fois ses jeunes dispersés dans la nature, à vélo et à mobylette, Nora repense un peu à elle, et se prend à rêver d’ailleurs : "J’espère pouvoir suivre une formation en Allemagne ou en Belgique, puis revenir et entraîner l’équipe féminine nationale. Non pas parce que ce sont des filles, mais pour le niveau". Et pour rester la première femme entraîneur de l’histoire du Maroc. Une histoire dont elle fait déjà partie.


Par Cerise Maréchaud

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