En remportant le 1500m mardi soir, Hicham El-Guerrouj a enfin vaincu la malédiction qui le privait d’or olympique depuis 1996. Une juste récompense pour l’enfant de Berkane devenu un immense champion à force de travail et de souffrance.
Hicham El-Guerrouj a vaincu le signe indien. Le Marocain qui un jour de 2002 confia à Mehdi Baala qu’il «n’avait pas de rêve plus grand que de gagner les Jeux», a enfin décroché le titre olympique mardi soir à Athènes, berceau de l’olympisme. Quel plus beau symbole pouvait-il espérer ? Victime d’une chute lors de la finale des Jeux d’Atlanta en 1996 après un accrochage avec Noureddine Morceli et devancé par Noah Ngeny dans la dernière ligne droite à Sydney, Hicham pensait être maudit aux JO.
Quatre défaites en huit ans
Un sentiment légitime tant le sort semblait s’acharner sur lui. Quadruple champion du monde (1997, 1999, 2001 et 2003), El-Guerrouj domine le 1500m depuis près de dix ans. Depuis 1995, il est passé trente-trois fois sous les 3’30’’, barrière que seulement quinze hommes ont franchi depuis 1985, et n’a été battu que quatre fois. Et sur ces quatre défaites, deux ont eu lieu en finale olympique ! Mardi soir, l’enfant chéri du Maroc ne voulait pas entendre parler de défaite. «Pour que quelqu’un me batte ici, il devra frôler la mort», avait-il déclaré avant la course. Alors quand Bernard Lagat s’est porté à sa hauteur et a commencé à le dépasser, Hicham n’a pas voulu revivre le cauchemar australien. Repensant aux heures passées à s’entraîner à Ifrane, sur les hauteurs de l’Atlas marocain, il a alors puisé dans ses dernières ressources pour s’imposer de douze petits centièmes, le deuxième écart le plus faible de l’histoire des Jeux, et rejoindre l’idole de son enfance Saïd Aouita.
Le modèle Aouita
Si la légende veut que les Kenyans se mettent à la course à pied pour effectuer le trajet entre la maison familiale et l’école, le jeune Hicham, lui, s’est en effet mis à l’athlétisme grâce à son aîné, champion olympique à Los Angeles en 1984 sur 5000m. Gamin, le futur roi du 1500m, fils d’un vendeur de sandwichs d’un quartier pauvre de Berkane, ne s’intéresse guère à l’athlétisme… sauf aux exploits de Saïd Aouita. «Je ne connaissais que lui. Il était un symbole, je rêvais d’être comme lui. Tous les gosses marocains voulaient lui ressembler, remporter les Jeux Olympiques», explique Hicham. Alors, à 16 ans, il convainc son père de le laisser partir à l’Institut national d’athlétisme de Rabat, au grand désespoir de sa mère. Travailleur infatigable, toujours à la recherche de ses limites, El-Guerrouj martyrise son corps, «pour le plaisir», afin de devenir un champion.
Des couronnes mondiales mais pas d’or olympique
A 21 ans, pratiquement inconnu, il prend la deuxième place des Championnats du monde de Göteborg derrière l’intouchable Noureddine Morceli, déjà double champion du monde et honni du peuple marocain pour avoir battu le record du monde d’Aouita. Un an plus tard, les Marocains espèrent une revanche de leur nouvelle idole. Mais Hicham chute après un accrochage avec l’Algérien, qui décrochera le titre sur la piste olympique d’Atlanta. El-Guerrouj devient alors un martyr national. Les Marocains ne cessent de lui apporter leur soutien, jusqu’au Palais Royal qui en fera un ambassadeur de choix. Depuis Ifrane, son camp d’entraînement, il va alors se façonner les plus beaux succès : champions du monde 1997 et 1999, recordman du monde du 1500m en 1998, du mile et du 2000m en 1999. Mais encore une fois, il échoue dans sa quête de l’or olympique à Sydney. Une énorme désillusion dont il mettra plusieurs semaines à se relever.
«Je cours pour la gloire»
Orgueilleux, il reprendra le chemin du stade d’Ifrane et continuera à travailler. Deux nouveaux titres mondiaux (2001 et 2003) et une invincibilité en meetings portée à huit ans viendront récompenser ses efforts. Mais au début de cette saison, la malédiction semble à nouveau rôder autour du Marocain. Battu à Rome et à Zurich, il se plaint de problèmes respiratoires causés par de nombreuses allergies et laisse entendre qu’il pourrait ne pas aller aux Jeux. Finalement, plus de peur que de mal, Hicham se soigne et s’aligne à Athènes. La suite, on la connaît. Une dernière ligne droite d’anthologie, un dernier coup de rein et, enfin, un succès olympique qui couronne un superbe champion. «Je cours pour la gloire. Je veux marquer l’histoire», a-t-il déclaré après la course. Pour laisser une empreinte encore plus grande de son passage sur les pistes, El-Guerrouj va maintenant tenter un pari fou, doubler 1500m et 5000m, comme en 2003. A Saint-Denis, il avait décroché le titre sur 1500m et la médaille d’argent sur 5000m. Débarrassé de sa malédiction olympique, le Marocain peut-il faire mieux cette année ?
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