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La campagne du Bénin : coulisses d'un exploit

Source : Le journal

Derrière la qualification à la prochaine Coupe du monde des juniors, il y a aussi eu de la vie, des larmes, des fous rires. Récit d'une épopée victorieuse.


Assis à la terrasse d'un café, Fethi Jamal, entraîneur heureux de l'équipe nationale junior, qui vient de réussir un brillant parcours en Coupe d'Afrique des Nations au Bénin où elle atteignit les demi-finales, a pour l'instant deux soucis majeurs. Le premier est de soigneusement trier les appels incessants qui squattent son téléphone portable. Le second est de maintenir une attitude distante mais polie avec tous ces supporters qui viennent pour une accolade, un petit mot gentil, parfois des vociférations. Justement, ce vendeur ambulant, dépenaillé, commence par un simple bonjour avant de lancer un tonitruant : « Allah ya lagui allih hadak l'arbitre » (*) et de s'en aller sans attendre de réponse. Fethi Jamal sourit et parle, une fois encore, de cet arbitre togolais furieusement partial, qui a tout fait pour gâcher la fête et contraindre le Maroc à s'incliner face au Nigéria. « Quatre joueurs nigérians inscrits sur la feuille de match avaient déjà disputé deux Champion's League africaines. Ce n'étaient plus des juniors. D'ailleurs, en conférence d'après match, j'ai été voir leur entraîneur Siassia, ancien joueur que je connais bien. Je lui ai dit qu'il tenait la forme et qu'il avait l'air plus jeune que ses joueurs. Il a souri, d'un sourire complice qui en dit long ».
Avant de présider aux destinées de l'EN Junior, Fethi Jamal a été joueur du Raja, avec laquelle il a réalisé le premier titre de Champion du Maroc et d'Afrique. La grande aventure, qui le mènera aujourd'hui au Bénin, commence en 2001, lorsqu'il hérite du poste d'entraîneur de l'EN Junior qu'il est chargé de coacher durant la Coupe d'Afrique 2003 au Burkina Faso. Qui se révèlera un échec. Selon son aveu, le parcours y est « calamiteux ». Son contrat stipulait qu'il devait se qualifier pour la Coupe du Monde aux Emirats, il a échoué, il devait donc être viré. « ا'aurait été juste », dit-il. Il repart alors à zéro pour la CAN 2005 au Bénin.




Mohamed Bourkadi l’une des révélations de Bénin-2005



Rebâtir une équipe compétitive
Première étape, rebâtir une équipe. Et pour cela, faire jouer les antennes présentes un peu partout dans le Royaume, chargées de repérer les talents. Mais aussi plonger dans l'Internet, souvent riche en enseignements. « Il y a des clubs européens réputés pour leur formation, tels l'Ajax d'Amsterdam ou Auxerre, et qui ont des sites qu'on peut facilement visiter. Les joueurs y sont classés dans leur catégorie par ordre de mérite. A l'Ajax, c'est Tiberkanine qui est classé premier, devant des Surinamais, des Hollandais et des Marocains du nom de Bilal et Jamal Aït Mama. Nous les avons tous testés lors d'un rassemblement en avril 2004 à Avion, près de Lens ». Pour leurs convocations, l'entraîneur les appelle un par un. Plusieurs d'entre eux ne veulent pas entendre parler de sélection nationale marocaine, souvent par crainte de perdre leur place au sein de leur club. Il faut dans ce cas-là contacter leurs parents, les prendre par les sentiments. « Leur nostalgie du pays nous a beaucoup aidés, tout comme le fruit du dernier championnat d'Afrique des Nations en Tunisie. Certains prendront leurs enfants par la main pour les amener à Avion. La surprise viendra au moment où on leur distribuera les équipements frappés des couleurs du Maroc. Face à l'émotion, beaucoup de jeunes joueurs, réticents au début, se sont effondrés, en larmes ». Deux mois plus tard, seuls 13 joueurs sur 26 sont retenus. Ils effectuent un stage à la Maâmora à Rabat avec les locaux. Les matchs amicaux débutent en juin 2004 contre le Burkina et l'Egypte, sans plusieurs joueurs-clés. Tiberkanine, Miftal Karim et Sbaï sont blessés, Zhar n'a pas l'aval de son club St-Etienne, et Azizou, qui a au préalable disputé 54 matchs avec l'équipe de France des -15 ans et -17 ans, n'est toujours pas autorisé par la FIFA à jouer pour le Maroc. Les prestations sont moyennes, les résultats également.


Des conditions de vie dantesques
Lorsque l'EN arrive à Cotonou, au Bénin, dans un épais brouillard dû à une tempête de sable, elle sort d'un mini-stage au Mali où Zhar cartonne contre l'équipe championne du pays en plantant deux buts. La confiance est donc là, bien que les conditions actuelles soient dantesques. La chaleur est suffocante et l'humidité à son comble. Le premier choc a lieu en arrivant à l'hôtel. Fethi Jamal : « C'était l'équivalent d'une seule étoile au Maroc. Inhabitable. On y passe une seule nuit. Heureusement, je rencontre le lendemain et par hasard dans la réception un certain M. Angerin, qui fut agent de joueurs au milieu des années 90, notamment celui d'Ougandaga qui a évolué au Raja. Angerin est actuellement vice-président de la Fédération Béninoise de football et il nous a sortis du trou où on était pour nous loger dans une sorte de camps, où réside l'équipe du Bénin, pas loin de la mer ». C'est ainsi que la sélection nationale vivra « en direct » le drame qui a endeuillé le Bénin, avec l'assassinat de son gardien de but. « Il était environ 22h10 et nous jouions aux cartes dans le hall de l'hôtel, lorsque nous avons entendu des cris. C'étaient les joueurs du Bénin qui hurlaient en portant leur gardien blessé à l'intérieur. Le Dr Azzaoui, le médecin de l'EN l'assistera en premier, dans sa chambre. Le joueur, inconscient, était gravement blessé au visage, à la tête et à la jambe gauche. Il devait aller à la clinique où il décèdera un peu plus tard. On saura qu'il avait été attaqué par six malabars, au silex. Alors, on commençait à craindre pour notre sécurité, qui sera très vite renforcée autour de l'hôtel, d'autant que n'importe quel agresseur pouvait sauter un petit mur et entrer dans nos chambres ». Ce jour-là, l'équipe du Maroc avait rencontré et battu le Lesotho par 2 buts à rien. Un bon départ, déterminant pour la suite. Les entraînements avaient lieu dans un hôtel Sheraton, entièrement investi par des hommes d'affaires étrangers. La consigne, suite à l'agression, était de ne pas sortir de la journée. « On s'entraînait le matin. Ensuite, plus rien à faire de la journée. Je ne vous parle pas du soir. Une seule chaîne de télé, pas de satellite, c'était l'enfer. Heureusement, les joueurs avaient amené avec eux leurs DVD portables et plusieurs consoles de jeux ». L'ennui était cependant un moindre mal. Ce que l'équipe vivra difficilement sera l'absence de nourriture décente. « Il n'y avait pas de légumes, juste un peu de tomate et de la pomme de terre. Sinon, beaucoup de riz et du poulet, rien de plus. Heureusement, avant de quitter le Maroc, les joueurs avaient fait des provisions, essentiellement des biscuits, du fromage, du chocolat et beaucoup de conserves, principalement du thon ».


Qualification assurée
Face à l'Egypte lors du second match, la donne est claire. L'objectif premier et avoué de cette CAN est de se qualifier pour le Mondial en Hollande. Et cela passe par une victoire, ou du moins un nul pour y arriver. D'autant qu'en match officiel, l'équipe égyptienne, tenant du titre, avait étrillé le Maroc quatre buts à zéro. On mène 2-1, avant de se faire rejoindre et de terminer sur un nul. Un bon résultat. « Il était impossible dans des conditions pareilles de donner l'image véritable de l'EN, techniquement surtout. On devait faire un bon match, mais aussi assurer l'essentiel. Car au Maroc, le contrat était clair. Perdre, oui, mais avec les honneurs ». Question d'image. Le dernier match de poule est le plus difficile pour l'entraîneur et les joueurs. Ils font alors un pacte. Fethi Jamal leur demande de gagner le match contre l'Angola et leur promet de leur faire battre le Nigéria ou le Bénin, en demi-finales. La rencontre est loin d'être une sinécure, face à une équipe pourtant déjà éliminée. « Personne ne l'a remarqué, mais les problèmes d'arbitrage ont commencé ce match-là. Il nous avertit gratuitement deux joueurs dont on sera privé pour les demi-finales. Il nous prive d'un penalty flagrant et ne protège pas mes joueurs. Pourtant, loin des dissensions du début, ils finissent par montrer une grande solidarité ». En gagnant 1-0, le Maroc se qualifie pour le mondial qui aura lieu du 10 juin au 2juillet. L'équipe a rempli sa part du contrat. « A ce moment-là, les joueurs n'ont à aucun moment parlé de primes ou d'émoluments. Question de prestige. Ils étaient heureux d'être là, et ça se voyait ».
La demi-finale a lieu contre le Nigéria et révèlera un grand Vaudeville. « Toute la presse béninoise nous voyait déjà dans le trou, mais j'étais sûr qu'on ferait un bon match, car débarrassés de toute pression. Tout le monde avait hâte d'être dedans, car on l'avait fait 50 fois dans nos têtes. En débutant, on a cherché à jouer prudemment. Ils étaient bien plus costauds que nous et, physiquement, c'était dur. J'ai des joueurs qui viennent de Hollande et du nord de la France. Sous cette chaleur, ils étaient cuits en une mi-temps. C'était notamment le cas de Miftal qui demandait à être remplacé au bout d'une demi-heure seulement. On mène 1-0 et la mi-temps, quand je le remplace par Benhalib, peu expérimenté et physiquement moins costaud, c'est le tournant. Je n'avais pas le choix. C'est un tournoi à 18 joueurs et non à 22. En comptant les blessés et les suspendus, il m'en restait 15 ». Le Nigéria égalise, on reprend la tête avant de se faire rejoindre. Le Maroc, de l'avis de son entraîneur, joue le nul, d'autant que son gardien, Bourakkadi, est dans un grand jour. Fethi Jamal se fait plusieurs fois rappeler à l'ordre avant de se faire exclure. « Je n'arrête pas d'apostropher l'arbitre, en français et en anglais comme le permet le règlement, mais il ne me regarde même pas. Je m'énerve. Il fallait montrer la colère du groupe ». Le Maroc arrive aux pénos et perd la rencontre. Mohcine Iajour, qui, a ce jour-là, marqué deux buts, rate le sien.


« Vous nous avez donné du plaisir »
Le match pour la 3ème place est une formalité dont les joueurs s'acquittent sans enthousiasme. Tout le staff pense un moment boycotter les matchs en Afrique, question de principe face à l'arbitrage et aux conditions de jeu abracadabrantes. Une réaction sanguine. « Le Maroc commence à changer. Auparavant, dans pareilles situations, les Marocains avaient la mémoire courte. Aujourd'hui, ils prennent en compte les conditions, c'est important. Hier, un jeune BCBG, bien propre sur lui, est venu m'apostropher dans la rue et m'a dit qu'on lui avait donné du plaisir. C'est une expression européenne. Je suis content qu'on l'applique, ici, maintenant, chez nous », conclut-il.


Amine Rahmouni


(*) Que Dieu fasse en sorte que l'arbitre se trouve en face d'un objet grand et pointu

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