Si les Marocains en ont gros sur le cœur après le vote du 15 mai à Zurich, c’est parce qu’ils ont eu la désagréable impression que les dés étaient pipés, que le résultat final était décidé à l’avance par le président du comité exécutif de la FIFA, M. Blatter. Le sentiment de s’être fait voler une victoire, qui jamais n’a semblé aussi proche, est grand ! L’amertume est encore plus accentuée par le fait qu’en vertu du nouveau système de rotation adopté par la FIFA, l’organisation d’une autre Coupe du monde aura lieu vingt ans après le Mondial 2010. De l’eau aura coulé sous les ponts ! M. Blatter et nous Joseph Blatter avait pris, à plusieurs reprises, l’engagement public de rester neutre et de ne pas prendre part au vote, sauf en cas d’égalité entre deux candidats. Il n’a pas respecté cet engagement et la seule explication plausible, c’est qu’il a voulu donner le maximum de chances à la candidature sud-africaine, en votant pour ce pays. C’est bien sûr son droit, mais il ne fallait pas prétendre le contraire pendant les mois qui ont précédé le vote.
La veille du vote Jospeh S. Blatter a dîné ostensiblement avec l’icône Nelson Mandela et quelques-uns des votants. Le président de la FIFA a encouragé jusqu’à la dernière minute les candidatures arabes, dont la multiplication ne pouvait que faire de l’ombre au Maroc. Par exemple, le Qatari Ben Hammam, membre du comité exécutif de la FIFA et président de la confédération asiatique, aurait pu obtenir un vote bloqué asiatique (4 voix au profit du Maroc). Mais le Qatar s’était engagé en faveur de la Libye bien avant que le Maroc ne se déclare et Joseph Blatter a tout fait pour que la candidature libyenne soit maintenue jusqu’à la dernière minute. Le vendredi 14 mai, la Libye était autorisée à faire sa présentation. Le lendemain matin, elle était retirée de la liste du vote pour faiblesse du dossier et les voix asiatiques se sont clairsemées. Le président de la Fédération tunisienne de football, dans une conférence de presse, le dit clairement : «M. Blatter est très diplomate. Il a fait croire à chaque pays qu’il était capable d’organiser la Coupe du monde».
Après le vote, M. Blatter a fait deux déclarations. La première à une agence de presse, pour souligner que, s’il y avait un prix spécial du jury, il devrait être accordé à l’Egypte qui, selon lui, a fait la meilleure présentation. Nulle mention du Maroc. La seconde au Financial Times, pour stigmatiser «le manque de fair-play de la délégation marocaine», accusée d’avoir quitté la salle avant la fin de la conférence de presse, alors que le protocole le prévoyait ! Le Maroc a été le premier pays candidat à recevoir les inspecteurs de la FIFA pour la visite technique, une semaine seulement après le dépôt de son dossier, le même jour que la visite de Jacques Chirac dans notre pays. Une décision prise non pas par tirage au sort, mais par M. Blatter. Le pouvoir d’influence du président du comité exécutif de la FIFA est énorme : prolongation des mandats des uns ou des autres, autorisations d’organiser des tournois locaux, mode de partage des recettes entre la FIFA et les associations locales... On se demande si l’actuel mode de gouvernance résistera encore longtemps aux pressions de modernisation et de transparence provoquées par une audience et une popularité croissantes acquises par le football dans le monde.
Les atouts de l’Afrique du Sud. Hormis M. Blatter, il y en avait deux : la magie Nelson Mandela et l’image de victime dont ce pays a bénéficié après le vote serré en faveur de l’Allemagne, il y a quatre ans, pour l’organisation du Mondial 2006. Quant aux inconvénients, il y en a et ils sont nombreux, mais aujourd’hui on le sait bien, la décision n’a pas été prise sur la base de considération techniques. Qui a voté pour le Maroc ? L’Afrique du Sud a gagné grâce aux voix... des deux Amériques (sept au total) ! ! ! Par contre, le Maroc a obtenu la majorité en Afrique, la majorité en Asie et la moitié des voix européennes (4 sur 8). Jusqu’à quelques heures du scrutin, le Maroc était convaincu d’avoir les trois voix de l’Amérique du Nord, comme on lui en avait renouvelé l’assurance. Le lendemain, les trois voix allaient à l’Afrique du Sud. Ce que l’on oublie de dire à propos de Morocco 2010 Saâd Kettani a été désigné en avril 2003. Le Maroc a eu onze mois pour rattraper son retard sur une Afrique du Sud qui avait commencé à travailler sérieusement sept années avant lui.
Le consultant américain, Alan Rothenberg (qui a à son actif la candidature réussie des Etats-Unis) a été recruté pour un budget que nous estimons, de source proche du dossier, à 1,5 million de dollars (et non pas 14 milions de dollars comme annoncé par la presse), payé par des sponsors et non par l’Etat. M. Rothenberg a été chargé du travail technique, domaine dans lequel, selon divers témoignages, il a excellé. Il a mis à contribution sa propre équipe de quinze personnes, qui s’est complètement fondue dans l’équipe marocaine. Le lobbying était géré par Saâd Kettani directement. Maroc 2010 a fonctionné avec pas mal de bénévoles, à commencer par le président Saâd Kettani. Ce dernier a d’ailleurs mis la main à la poche puisque Siera, qui appartient à sa famille, a été l’un des sponsors de la candidature marocaine et a pris en charge la délégation de 48 journalistes qui se sont rendus à Zurich Maroc 2010 a fonctionné avec pas mal de bénévoles, dont le président, Saâd Kettani. Ce dernier a d’ailleurs mis la main à la poche : Siera, qui appartient à sa famille, a été sponsor de la candidature marocaine et a pris en charge la délégation de 48 journalistes qui s’est rendue à Zurich. Joseph Blatter a de la suite dans les idées et les derniers conciliabules d’Alan Rothenberg, Saâd Kettani et Hosni Benslimane à Zürich (photo) n’ont rien pu y faire.
Mohamed Jemaâ
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