Trois questions à L'ancien animateur télé Ramzi qui est le co-producteur de l'émission Al Qadam
Concrètement, cela va se passer comment ?
La diffusion démarre le 27 juin à raison d'un rendez-vous dominical de 90 minutes jusqu'au 3 octobre, date de la grande finale au stade Mohammed V à Casablanca. Ensuite, à partir de fin juillet, une émission quotidienne de 30 minutes avant le journal du soir pendant deux semaines. Les candidats sélectionnés seront déjà dans un centre de formation et, à l'approche du 3 octobre, l'émission deviendra quotidienne avec un résumé de la veille.
Que deviendront les talents que l'émission permettra de découvrir ?
Ce que je peux déjà vous dire, c'est qu'avant même que l'émission soit diffusée, des clubs ont déjà commencé à nous contacter, nous demandant quand ces jeunes talents seront libres.
À vous entendre, on a comme qui dirait l'impression que vous ne comptez pas les lâcher dans la nature.
Absolument pas, puisque notre rôle était justement de les faire émerger de la "nature". Nous avons un contrat qui nous lie à un agent agréé FIFA et dont le rôle est d'officialiser les contacts avec les clubs marocains et étrangers.
Six mille ados pour "Un pied en or"
A partir du mois de juin, la TVM diffusera l'émission "Al Qadam Addahabi" qui propose, à l'instar des émissions de télé-réalité, de découvrir des jeunes talents du football. Pour cela, une caravane sillonne le pays afin de dénicher les futurs candidats.
Là où elle passe, c'est à peu près le même scénario qui se répète. Très tôt le matin, le jour des premiers tests, ils sont des centaines à attendre devant les portes des stades. Leur objectif, tenter leur chance (unique pour certains d'entre eux) et essayer, grâce à la caravane, d'intégrer plus tard un club de football qui leur permettra de gagner correctement leur vie.
Ils s'appellent Abderrazak, Samir et Mohamed. Tous veulent devenir "Al Qadam Addahabi" ("Le pied en or") de l'édition 2004, et ils sont prêts à faire l'impossible pour y parvenir. Et ce qui est étrange, c'est que depuis le début de cette aventure, depuis leur inscription jusqu'à leur sélection pour aller passer trois semaines dans un centre de formation à Casablanca, ils n'ont fait que réaliser l'impossible. Alors que le règlement de la caravane prévoit 350 inscriptions dans chaque ville ou région, ils ont toujours été plus de 450 à se présenter devant l'entrée des stades. À Laâyoune, ils étaient 750 jeunes, âgés entre 16 et 19 ans, à vouloir montrer ce qu'ils savent faire avec un ballon. Certains d'entre eux sont même venus de Dakhla pour tenter leur chance, pourtant à 600 Km au sud de Laâyoune. À Agadir, ils étaient 450, à Marrakech 455, à Safi 480, à Khouribga 450, à Meknès 520, à Fès 560 et là où la caravane ira, ils seront toujours plus de 350 à jouer devant un jury composé de professionnels du football. Cela n'est pas sans poser un gros problème aux organisateurs qui n'ont que deux jours pour détecter les stars de demain et comme l'explique Hamadi Hamidouch, ancien entraîneur de l'équipe nationale et membre du jury d'Al Qadam Addahabi, "on ne peut pas réellement juger les qualités d'un jeune en un jour ou deux. À cette cadence, il faudrait que nous passions une semaine entière dans chaque ville". Abderrazak a 16 ans et il habite Bouzakarne, dans la région de Guelmim. Grâce à un ami, il entend parler d'Al Qadam Addahabi, mais quand il appelle pour s'inscrire sur la liste de Laâyoune, il est déjà trop tard. Il en parle à son père, soldat de son état, et celui-ci l'autorise à s'inscrire sur la liste d'Agadir. Abderrazak insiste et obtient enfin un numéro qui lui permettra de participer à la présélection. "Quand je suis arrivé à Agadir, j'étais tellement fatigué que je n'ai pas pu passer les épreuves physiques. J'avais bien joué mais les chaussures que j'avais me faisaient mal et cela a joué contre moi". Abderrazak n'est donc pas retenu et au lieu de rentrer chez lui pour annoncer la mauvaise nouvelle à sa famille, il décide de retenter sa chance et suivre la caravane jusqu'à Marrakech, lieu de la prochaine étape. Là-bas, la chance ne lui sourit pas car les inscrits sont nombreux et la liste d'attente longue. Déçu mais pas découragé pour autant, il assiste dans les tribunes aux deux journées de compétition. Le troisième jour, il emprunte de l'argent auprès de ss famille pour se rendre à Safi, prochaine étape de la caravane. "Il fallait qu'ils voient mon visage à l'entrée du stade. Je voulais leur faire comprendre que j'avais droit à une deuxième chance et que j'étais prêt à sillonner le pays derrière eux". À Safi, les organisateurs décident de le prendre pour un deuxième et "dernier" essai, et là, miracle : Abderrazak passe tous les tests avec succès. Son secret ? Pas si sorcier que ça : "J'ai acheté de nouveaux crampons à Marrakech et j'ai bien dormi la veille de la compétition. Je savais que je pouvais réussir".
Dans les jardins de l'hôtel où les organisateurs offrent un pot aux sept gagnants de l'étape, Abderrazak, la caméra braquée sur lui, appelle sa mère au téléphone et lui annonce la nouvelle : il vient de gagner sa place pour un séjour de trois semaines dans un centre de formation à Casa. Plus tard, il avouera au staff d'Al Qadam. "Vous ne m'auriez pas pris, je vous aurais suivis jusqu'à Oujda. Mais Hamdoullah, je vous ai montré de quoi je suis capable, cela fait 15 jours que je n'ai pas vu ma famille et il est temps que je rentre à la maison".
Pour Samir, l'aventure prend une autre forme et à un moment, elle a failli mal se terminer. Agé de 18 ans, cet apprenti coiffeur n'arrive pas à s'inscrire à Safi. Son père, un marchand ambulant dans la vieille médina, accepte que son fils tente sa chance, à la condition qu'il s'inscrive à Safi. Un copain de Samir sélectionné mais ne pouvant se rendre à la sélection, lui refile son numéro de sélection. Arrive le jour J, Samir se présente mais le numéro ne correspond pas au nom inscrit sur la pièce d'identité. Pour les organisateurs, le jeune homme l'a subtilisé et en moins de deux, ils le confient à un agent de police, question de donner l'exemple. "On voulait seulement lui faire comprendre que ce qu'il faisait n'était pas bien, confie un membre du jury, et que pour devenir un bon footballeur, il faut d'abord être quelqu'un d'honnête". Samir se confond en excuses, réussit à amadouer les organisateurs, finit par jouer et passe les épreuves techniques et physiques avec brio.
Des jeunes comme Abderrazak et Samir, dans les provinces du Royaume on en trouve à tous les coins de rue. À mi-parcours, la caravane avait vu défiler près de 6000 jeunes marocains venus tenter leur chance pour gagner une petite place au soleil. Mohamed est de ceux-là. Agé de 16 ans, il vit depuis dix ans à l'orphelinat de Meknès. Sa seule passion : le football ; son seul espoir pour devenir "quelqu'un de normal qui vit une vie normale" : le football. Le jour où la caravane est annoncée à Meknès, il est un des premiers à s'inscrire. Les mains agrippées à la grille le jour de la sélection, Mohamed a dans son regard quelque chose qui le différencie des autres candidats. Une sorte d'avant-goût de terre promise. Sur le terrain, Mohamed donne tout ce qu'il a. Il ne court pas comme un fou furieux, ne se précipite pas sur chaque coup arrêté. Non, le style de Mohamed est unique. Il rappelle celui de Beckenbauer, du temps où les spectateurs restaient scotchés devant leur poste de télévision rien que pour admirer le style et l'aisance du Kaiser. Sur le terrain, Mohamed joue plus avec sa tête qu'avec ses pieds. Le jury est estomaqué, et se demande comment aucun club n'avait jusque-là remarqué le jeune prodige. "J'ai été approché par le Wydad de Fès, mais ils m'ont dit que je devais me déplacer de Meknès à mes frais et que je devais acheter mon propre équipement". Difficile d'avancer les frais lorsque l'on est orphelin. Résultat : c'est l'équipe d'Al Qadam Addahabi qui aura déniché la perle, endossant ainsi le rôle de ce que devrait être un club de foot marocain.
Mohamed a dû emprunter des chaussures de sport pour jouer. Contrairement aux autres candidats, il n'a rien amener à manger et sautait le repas de midi qu'il a l'habitude de prendre à l'orphelinat. À la fin du deuxième jour, Mohamed sera retenu avec quatre autres candidats. Quand le jury donne son nom et lui demande de le rejoindre, il se lève, s'approche et dit "merci", avant d'aller voir ceux qui n'ont pas été retenus pour les réconforter. Aucune émotion sur son visage. Juste un "merci" à l'adresse de ceux qui l'ont testé, quelques mots à l'adresse des candidats malheureux, et c'est tout. Il faut dire que dans un orphelinat, il n'y a pas de place pour les sentiments, surtout pour quelqu'un qui y a été placé par sa mère dès l'âge de six ans. Un peu plus tard, et alors que les heureux gagnants se félicitaient et se préparaient pour partir à la petite cérémonie qu'Al Qadam Addahabi réservée aux candidats retenus, quelqu'un retrouvera Mohamed derrière un mur, pleurant à chaudes larmes. Digne, même dans ses émotions.
Yassine Zizi
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